13.01.2017
Une exposition pour dépasssionner le fait religieux | Le Temps 13.1.2017

13 janvier 2017

Laure Lugon Zugravu

 

Une expo pour dépassionner le fait religieux

 

Des élèves du cycle d’orientation inaugurent un parcours interactif au Musée d’ethnographie de Genève. Accompagnés de ministres cantonaux et communaux, à la veille du débat sur la laïcité.

 

Le conseiller d’Etat Pierre Maudet à la poursuite d’un autel domestique shintô; la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta scrutant une planche de drapeau de prières bouddhique; le conseiller administratif de la Ville de Genève Sami Kanaan à la recherche d’un oratoire de la Sainte Famille; ces magistrats entourés d’élèves du cycle d’orientation.

 

C’est une chasse aux trésors d’un genre particulier qui s’est tenue jeudi au Musée d’Ethnographie de Genève (MEG). Imaginés par la Plateforme interreligieuse de Genève et les éditions Agora, en présence des représentants de différentes religions du canton, des parcours interactifs à la découverte des objets du sacré ont été inaugurés par des élèves accompagnés de politiques. Dès le premier février, cette expo sera ouverte à la population ainsi qu’aux classes du secondaire et du primaire. Comment ça marche? Il s’agit de découvrir quelques objets de différentes religions et régions du monde parmi les milliers que recèle l’institution, d’éclairer quelques merveilles ancestrales sur un mode résolument contemporain: munis de leurs smartphones, les élèves cherchent les objets que l’application interactive leur demande de trouver et répondent aux questions. A la clé, l’appréhension de la dimension sacrée dans sa diversité.

 

Genève, « une mosaïque culturelle »

 

A la veille du débat politique genevois sur la laïcité – pas moins de trois projets de lois sont soumis au Grand Conseil – la démarche de la Plateforme interreligieuse a manifestement plu au politique: «Le conseil d’Etat a décidé d’anticiper ce débat, explique Pierre Maudet, magistrat de tutelle du Bureau de l’intégration des étrangers. On peut enseigner le fait religieux tout en expliquant le rôle de l’Etat. Cette exposition permet de créer du lien, d’aider à la connaissance réciproque.» Ne pas escamoter le fait religieux à l’école, c’est aussi le credo d’Anne Emery-Torracinta, à la tête du département de l’instruction publique: «On parle ici de faits, pas de théologie! C’est l’occasion de désamorcer la peur de certains milieux. La laïcité, ce n’est pas nier le fait religieux, qu’on peut lier aux cours d’histoire. Je tiens à ce qu’on dépassionne le fait religieux.» Une manière, sans doute, d’éviter que le climat actuel propice aux suspicions ne rende la question taboue. Si le souci de Sami Kanaan, en charge de la culture à la Ville, est d’abord de rendre celle-ci accessible aux non-initiés, il rappelle aussi que «Genève est une mosaïque culturelle, par définition fragile». Aider à la compréhension mutuelle par un parcours ludique, c’est le pari des politiques.

 

C’est bien ainsi qu’un élève l’a entendu, à l’issue de la chasse aux trésors: «Genève ne compte pas beaucoup de gens cent pour-cent genevois. C’est intéressant de découvrir la culture des autres.» Quant à la manière pédagogique choisie, elle parle incontestablement à la génération numérique, comme le résume une autre élève: «Lors des sorties traditionnelles au musée, je ne lis pas les panneaux explicatifs, ça m’ennuie. Ici, sur mon smartphone, c’est autre chose!»